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Interview : Boulanger

16 novembre 2011
Jean-Claude Rozan maître artisan boulanger Le fournil de Vauban Pouvez-vous nous décrire votre parcours scolaire ? J'ai arrêté l'école à 14 ans, en 5ème et j'ai commencé un pré...
Boulanger

Société: Le fournil de Vauban

Pouvez-vous nous décrire votre parcours scolaire ?

J'ai arrêté l'école à 14 ans, en 5ème et j'ai commencé un pré apprentissage jusque 16 ans. Après j'ai donc fait un apprentissage avec l'obtention du CAP de boulanger. J'ai travaillé pendant quelques années comme ouvrier boulanger. Ensuite, j'ai repris mes études et j'ai passé un brevet de maîtrise, c'est un diplôme de niveau 4 donc équivalent à un bac professionnel. Puis j'ai entamé la même chose en pâtisserie. Donc au niveau des diplômes, j'en suis au brevet de maîtrise qui me donne un titre de maître artisan. Et je prépare un autre titre qui sera un diplôme reconnu de niveau 3 celui du meilleur ouvrier de France. Là c'est le summum de la profession après il n'y a plus rien.

Quelles sont vos expériences professionnelles ?

J'ai travaillé dans quasiment tous les domaines de la boulangerie. J'ai été ouvrier dans l'artisanat et dans l'industriel et j'ai donné des cours en tant que professeur à la chambre des métiers. J'ai également été formateur dans la seule école de boulangerie qui est une école internationale à Rouen où je formais de jeunes adultes qui voulaient se reconvertir et qui voulaient apprendre le métier de boulanger. Il y avait beaucoup de personnes qui venaient d'autres pays, des coréens, beaucoup de pays d'Asie. J'ai travaillé 8 ans comme démonstrateur et boulanger d'essai dans un moulin où je faisais le contrôle qualité des farines et puis j'allais éventuellement chez les boulangers résoudre leurs problèmes de qualité, mettre en place de nouvelles recettes. J'ai travaillé 2 ans dans une grande maison internationale qui fait des matières premières et j'ai voyagé en Europe. Je faisais partie du service technique : mise au point de recettes, mise en place de nouvelles techniques, de nouvelles méthodes de travail donc j'allais chez d'autres boulangers pour leur donner des conseils. J'ai aussi été chef de rayon dans un hypermarché, cadre responsable qualité dans une industrie où j'étais chef d'équipe.

Que vous à apporter ce parcours très riche ?

Il y a eu un déclic : jusqu'à l'âge de 23, 25 ans, je faisais mon travail mais j'avais une vie à côté, je faisais beaucoup de sport. La priorité n'était pas de progresser dans la profession. C'était le moyen de gagner ma vie et c'est tout. Quand je me suis marié, j'ai arrêté, j'ai fait autre chose mais ça n'a pas marché. J'ai du reprendre mon métier de boulanger et j'ai décidé de continuer mes études ce qui m'a permis d'avoir un niveau plus élevé, d'apprendre de nouvelles méthodes et c'est devenu vraiment plus intéressant. Le CAP c'est le minimum pour entrer de la profession mais je pense que c'est insuffisant pour monter dans la profession. Avoir un niveau au-dessus, ça ouvre des portes et des emplois mieux payés et moins fatigants.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Depuis l'âge de 2 ans, j'ai toujours voulu être boulanger. Je suis gourmand, j'aime bien faire ce que j'aime bien manger. Quand je fais une nouvelle recette c'est d'abord par rapport à mes goûts et je la met en magasin pour faire découvrir de nouveaux produits à mes clients.

Et en quoi consiste votre travail quotidien ?

Comme je suis tout seul en fabrication, je commence ma journée à 1h du matin et je finis à 20h. Quand j'arrive, je mets en route le pétrin de pain dans lequel je fais mes baguettes et toute ma gamme de pains blancs. Quand la pâte est pétri je la laisse reposer une bonne demi heure dans la cuve du pétrin et je bois mon café pendant ce temps là. Ensuite je pèse la pâte en fonction des pains que je dois faire. Je laisse encore la pâte reposer une demi-heure environ. Les pains de campagne ont besoin d'une très longue fermentation. Puis, je mets en forme tous mes pains et je commence mes pains spéciaux. Je mets mon pain et les petits pains préparés la veille au four. L'heure d'ouverture arrive vite et il faut que le pain soit froid pour pouvoir le découper. Vers 8h je remets en route un pétrin que je vais cuire vers 12h, 13h. L'après midi je suis au magasin et j'essaie de faire une sieste entre 13h30 et 15h30.

Dans quelle structure peut-on travailler comme boulanger ?

En général, on commence comme ouvrier et après on peut se diriger soit dans l'industrie soit dans la meunerie (fabrication de la farine), dans les matières premières ou même technico-commercial. Mais en général, le but est de devenir son propre patron donc d'ouvrir son magasin.

Les métiers sont donc plus diversifiés, le métier à évoluer…

Depuis le début du siècle, il y a une grosse évolution. Actuellement il y a encore de nouvelles techniques qui se mettent en place dont le but est d'avoir du pain chaud toute la journée. On met en place des techniques pour retarder la fermentation et pour étaler les cuissons sur la journée. L'objectif est de conserver plus longtemps tout en gardant une qualité de pain. Sinon en ville, il y a un gros développement des pains spéciaux et on diminue les quantités car les personnes préfèrent acheter moins de pain mais tous les jours pour qu'il soit frais.

Quelles sont les qualités nécessaires pour se lancer dans une carrière de boulanger ?

Il faut être attentif, manuel et avoir des connaissances minimums : lire, écrire, compter. Il faut réfléchir à ce que l'on fait, ne pas travailler bêtement comme de nombreux apprentis aujourd'hui. Il faut être résistant car on est toujours debout, on piétine, la chaleur des fours fatigue énormément et les horaires sont lourds mais actuellement il est possible de travailler 35h en travaillant à plusieurs.

Pouvez-vous nous dire les avantages et les inconvénients de la profession ?

Une fois que le diplôme obtenu, on est quasiment sûr d'avoir du travail car il y a une pénurie importante de main-d'œuvre dans notre métier. Une personne qui travaille bien et autonome peut gagner sa vie correctement. Les inconvénients sont bien sûrs le travail de nuit, les week-ends, les jours fériés mais c'est le cas pour tous les métiers de bouche, de la restauration.

Et enfin un dernier mot pour les jeunes qui voudraient se lancer dans le métier.

Je pense que les jeunes doivent découvrir le métier avant de se lancer grâce à un stage ou une rencontre avec un professionnel pour savoir si cela lui convient vraiment. Souvent ils se lancent et se rendent compte que cela ne leur plait pas et ils arrêtent. Si vraiment on est passionné, il ne faut pas hésiter car il y a énormément de débouchés. De plus, c'est plaisant de sortir son pain du four et lorsque les clients vous disent qu'il est bon, c'est quand même valorisant. Mais je pense qu'il est essentiel de découvrir le métier pour peser le pour et le contre, pour ne pas se tromper de voie. De plus, il est vital d'avoir des connaissances de bases : lire, écrire et compter car être boulanger c'est aussi gérer une entreprise.
CD02/06/05