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Interview : Libraire

01 février 2016

Il est libraire depuis douze ans maintenant. Il a même changé de local pour sa librairie. Pour s'agrandir et se diversifier. Retour sur une expérience professionnelle pleine de richesses. Rendez-vous 142 rue de Paris, dans l'hypercentre de Lille.

 

Libraire

Christophe Coquelet est libraire depuis douze ans maintenant. Il a même changé de local pour sa librairie. Pour s'agrandir et se diversifier. Retour sur une expérience professionnelle pleine de richesses. Rendez-vous 142 rue de Paris, dans l'hypercentre de Lille.

Quel a été votre parcours personnel, de votre adolescence jusqu'à cette librairie ?

Très atypique.
Quand j'étais adolescent, je disais toujours que je voulais devenir libraire, ce qui n'est pas du tout ma voie puisque je suis un scientifique de formation. J'ai préparé le concours de pharmacie puis fait des études d'histoire, mais je n'ai pas voulu enseigner. J'ai ensuite travaillé dans le domaine éducatif puis pour la municipalité de Lille. Puis un jour, j'ai décidé de monter cette librairie parce que j'avais envie de changer.
Ce projet s'est réalisé avec un associé, le patron de Rocambole, un magasin spécialisé dans le jeu. Nous avions déjà travaillé ensemble pour créer un rayon livres. Puis nous avons voulu l'agrandir. Par chance, un local s'est libéré en face de sa boutique rue de la Clef. Le but était de regrouper tout un univers imaginaire dans le jeu, la musique et la littérature.
En 2014, mon associé a souhaité reprendre son indépendance sur Rocambole, j'ai donc racheté la librairie. Ma collègue et moi avons fait le pari de déménager, de s'agrandir car nous étions trop à l'étroit rue de la Clef. Maintenant, nous avons lancé un rayon jeunesse et un rayon occasion plus conséquents. Récemment, nous avons ouvert un salon de thé au sein même de la librairie.

 

Pourquoi le domaine du livre et pas un autre ?

Parce que j'aime les livres, la lecture et la littérature depuis que je suis tout petit. Mon entourage lisait beaucoup et j'ai grandi dans ce milieu.
Après 7 ans de librairie, j'ai eu envie de découvrir un autre métier, celui d'éditeur. Depuis 2011, la librairie commence à être à flot. J'ai donc créé en parallèle une maison d'édition, Manannan. On a commencé par faire du polar, du beau livre féerique puis du roman. Maintenant, on continue les beaux-livres et les anthologies d'auteurs peu traduits.
C'est très exigeant et ça m'amène à être en contact avec des maquettistes, des traducteurs. L'objectif est de solidifier la structure et de la faire entrer dans le circuit de la diffusion nationale.
J'ai un associé qui s'occupe de la partie technique, juridique et financière tandis que je m'occupe du contenu. Mon envie est d'étoffer et d'agrandir cette maison d'édition.

 

Comment se positionne la librairie indépendante par rapport à des grosses chaînes et à des sites comme Amazon ?

On ne fait pas les mêmes choses, dans les mêmes conditions ni dans la même dimension. L'exception culturelle de la librairie n'efface pas le fait qu'il s'agit d'un commerce soumis à la concurrence. On ne peut pas comparer une librairie indépendante et le Furet du Nord. Il faut travailler avec la meilleure intelligence possible, ce qui se fait pour le moment entre les librairies indépendantes. Entre collègues de l'association des libraires, on essaie de ne pas se faire concurrence. Lorsque je me suis installé, le libraire de Tirloy a enlevé son rayon science-fiction et quand la librairie de voyage a ouvert, j'ai supprimé mon rayon de récits de voyages. Il existe une déontologie et chacun essaie d'être le plus pointu et le plus compétent dans son domaine.
Internet. La présence au premier rang d'Amazon vient du fait que les gens ne savent plus attendre pour avoir leur produit et sont habitués à tout avoir tout de suite. Je considère ma clientèle comme exceptionnelle car elle pousse la porte de ma librairie en conscience et sait attendre si le titre n'est pas disponible en magasin.
Il faut aussi savoir que le Nord - Pas-de-Calais est une région très en difficulté au plan de l’illettrisme, de la vente de livre et de la lecture. À mon avis, si j'avais ouvert cette librairie dans une autre grande ville, la situation aurait été meilleure plus rapidement. Ici, c'est quelque chose à prendre en compte lorsqu'on ouvre un nouvel établissement du genre.

 

Y a-t-il une journée-type pour un libraire ?

C'est le gros avantage d'une petite structure, il n'y a pas de journée-type. Il est obligatoire de savoir tout faire : réception de colis, commandes, encaissement, retours, conseil au client et réponse aux mails. Il y a des passages obligatoires, mais le reste est très variable. Et c'est ça qui me plaît.

 

Quelles sont les qualités requises pour être un libraire ?

Je dirais avant tout la passion pour le livre, la curiosité intellectuelle, un solide bon sens et une envie de se donner à fond dans son métier. La librairie est un métier dans lequel on ne compte pas ses heures ni son profit.
Il faut aussi garder la tête sur les épaules et posséder des aptitudes à la gestion d'un commerce. On ne peut pas se réfugier derrière l'exception culturelle de la librairie sous peine de couler l'entreprise. La gestion est le nerf de la guerre de la librairie.

 

Est-ce important d'être spécialisé ?

Non. Cela dépend des envies du libraire, mais surtout de sa compétence. Tout s'apprend mais il faut se sentir capable de gérer un domaine précis en particulier.

 

Le salaire d'un libraire ?

Un peu plus que le SMIC.