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Interview : Eclat-Graa

11 mai 2015

Eclat-Graa est une association régionale intervenant auprès des professionnels dans le cadre de ce que l'on appelle les conduites addictives. Nous avons rencontré Marie-Ange Testelin, sa directrice depuis 10 ans.

Eclat-Graa

Eclat-Graa est une association régionale intervenant auprès des professionnels dans le cadre de ce que l'on appelle les conduites addictives. Ces comportements englobent à la fois les addictions à des substances psychoactives (tabac, alcool, cannabis, médicaments...) et les addictions dites « sans substance » (jeu pathologique, workaholisme, Troubles du Comportement Alimentaire...). Nous avons rencontré Marie-Ange Testelin, sa directrice depuis 10 ans.

Quel est votre rôle auprès des professionnels ? Quels sont vos interlocuteurs ?

Nous conduisons des projets liés à la prévention et à la prise en charge des conduites addictives en milieu professionnel. C'est-à-dire que nous allons apporter des outils concrets aux entreprises avec des logigrammes d'intervention, améliorer leurs compétences et ouvrir le dialogue pour leur permettre de mener à bien les projets qu'ils souhaitent mettre en place dans leur structure. Nous rencontrons des chefs d'entreprise, mais aussi des comptables, des responsables des ressources humaines ou toute autre personne souhaitant être ambassadeur dans la prévention collective des risques liés à l'addiction. Ce travail de diagnostic est l'occasion de faire intervenir des partenaires. Le réseau Anpaa spécialisé dans le produit alcool et l’ISTNF (Institut de Santé au Travail du Nord de la France) intervenant auprès des équipes de santé au travail viennent compléter l'offre proposée aux entreprises pour répondre aux situations qu'elles rencontrent au quotidien avec des salariés souffrant d'une addiction. Repérer les problèmes, comment les gérer, faire connaître tous les enjeux aux acteurs de l'entreprise, tout cela prend des formes variées et peut être organisé à de multiples occasions : conférences, portes-ouvertes, ateliers etc.

À quel moment intervenez-vous ?

Malheureusement dans la plupart des cas, nous intervenons suite à un accident, un peu comme les pompiers. C'est à dire que nous allons intervenir parce qu'il y a une situation d'urgence. Le point critique, le drame est déjà arrivé. Cela peut être par exemple un accident du travail ou encore un accident de la route, où le salarié n'a pas pu arriver jusqu'à l'entreprise. Nous prenons alors toutes les informations dont nous pourrions avoir besoin, qui contextualisent l'incident. Le salarié, le poste occupé, les circonstances, est-ce un engagement de protéger un collègue de travail ? A-t-il été pris sur le fait ? Il y a quelques grandes entreprises qui ont déjà intégré un plan de prévention concernant les conduites addictives, mais en général, il y a une sorte de déni de la part des entreprises : tant que ça tourne, il n'y a pas de problème.

Est-ce difficile de maintenir le dialogue ouvert ?

Oui. Tout part d'une méconnaissance du problème. Beaucoup de chefs d'entreprises ne se préoccupent pas du thème des addictions, ne connaissent pas toujours les produits, leurs effets et leurs conséquences. Tant que l'on n’a pas réussi à faire entendre que l'addiction est une maladie, on parle à un mur. Je comprends très bien le chef d'entreprise qui a besoin que son appareil de production fonctionne, et réalise les objectifs attendus. Mais le challenge est de garder le dialogue ouvert, pour permettre au salarié de ne pas être sorti des effectifs de l'entreprise et de bénéficier d'un arrêt maladie pour se soigner (dans un premier temps). Souvent, il faut aussi faire comprendre que le salarié n'est pas toujours inapte au travail en soi, mais éventuellement inapte à un poste précis.

Y-a-t-il eu une évolution dans la prise en charge ?

En effet, depuis une dizaine d'années, un long chemin a été parcouru ! Un chemin où l'objectif n'est plus simplement répressif, zéro tabac ou zéro alcool. Il y a une dimension d'adaptation, d'écoute, de prise de conscience qui est venue se rajouter. Une écoute bienveillante et adaptée permet au salarié de définir et surtout d'entretenir sa motivation. Le concept du donnant-donnant a gagné du terrain : je prends soin de toi, tu prends soin de moi. Si les salariés vont bien, l'entreprise va bien.