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Interview : Étudiante archéologue

10 octobre 2016

Coralie Battung est étudiante en seconde année de Master archéologie à l’Université de Lille 3. Sa dernière année est divisée en deux parties : cours théoriques et stage pratique de longue durée sur un chantier de fouilles.

Étudiante archéologue

Coralie Battung est étudiante en seconde année de Master archéologie à l’Université de Lille 3. Sa dernière année est divisée en deux parties : cours théoriques et stage pratique de longue durée sur un chantier de fouilles.

Pourquoi avoir choisi l’archéologie et quelles études as-tu suivies pour y parvenir ?

Je préparais à la base un BTS Animation et gestion territoriale dans l’optique de devenir guide touristique. Puis j’ai changé de projet professionnel pour m’engager dans une licence d’histoire de l’art et archéologie avec cette spécialité à Aix-en-Provence. On m’a conseillé cette double licence pour renforcer mes connaissances en la matière. J’ai réalisé que je préférais l’approche archéologique, qui consiste à analyser l’objet dans la vie quotidienne de l’époque et par rapport à l’Homme, que l’approche artistique.

Je suis ensuite entrée en Master métiers de l’archéologie (anciennement Archives Patrimoine Archéologie) qui conduit au métier de technicien de fouilles.

Mais j’aurais également pu m’engager dans un cursus axé sur la recherche qui m’aurait conduite à me spécialiser dans un domaine particulier. Ce parcours ouvre sur un doctorat qui permet de devenir maître de conférences à l’université et de partager son temps entre la recherche et les cours aux étudiants.

Quels sont tes projets pour la suite ?

Je ne sais pas si je pourrais devenir technicienne de fouilles, car il s’agit d’un métier très fatigant et il faut être prêt à vivre six mois loin de chez soi sans forcément savoir où on va devoir travailler. J’aimerais changer de voie tout en gardant un pied dans le domaine de l’archéologie. C’est pourquoi j’envisage de faire carrière dans la médiation culturelle pour œuvrer dans la valorisation de l’archéologie.
De nombreuses personnes voient cette discipline comme quelque chose d’inutile dans la vie quotidienne alors que cette discipline permet de mieux comprendre notre environnement immédiat et son passé. C’est du ressort de la médiation culturelle de leur expliquer qu’un tel travail n’est jamais vain.

Mis à part les fouilles et la médiation culturelle, dans quel(s) autre(s) domaine(s) peut-on trouver un archéologue ?

On trouve depuis quelques années une discipline appelée l’archéologie préventive. Avant la construction de nouveaux bâtiments ou infrastructures, une fouille préalable a lieu pour s’assurer qu’un site archéologique ne se cache pas sur le lieu dont il est question.

Il s’agit d’un domaine peu compris, car les usagers préféreraient la construction d’un complexe commercial générateur d’emplois à un site archéologique qui différerait ce projet de plusieurs années, le temps que les fouilles soient accomplies.

Cette activité de fouille préventive peut être effectuée dans le cadre d’une entreprise privée, mais également au sein d’une collectivité locale ou territoriale. Elle n'est cependant pas automatique. Un diagnostic est réalisé en amont sur une petite parcelle du terrain sur le point d’être mise en travaux. Si le résultat est positif, le bilan est envoyé à une commission qui décide de la tenue de la fouille préventive ou non.

Qu’en est-il du cliché du vieil archéologue toujours le nez dans ses recherches et incapable de penser à autre chose ?

Cela reste une réalité, notamment dans le milieu de la recherche où il reste encore quelques chercheurs intéressés uniquement par leurs travaux sans souci d’en partager le fruit avec d’autres personnes que leurs collègues.

Néanmoins, les jeunes archéologues sont beaucoup plus au fait de l’importance de la vulgarisation de leurs travaux pour le grand public et de la nécessité de partager le fruit de leurs recherches avec le plus grand nombre et plus seulement ses collègues initiés.

Le partage avec le public me paraît primordial et c’est la raison pour laquelle je souhaite valoriser l’archéologie à travers la médiation culturelle. De nombreuses initiatives sont organisées chaque année, parmi lesquelles les Journées Nationales de l’Archéologie.

Spécialisation ou polyvalence ?

On peut se spécialiser dans une époque particulière. Mais il est plus difficile de trouver un site de fouilles intéressé par cette compétence. Je crois que la polyvalence est aujourd’hui capitale. Beaucoup d’étudiants arrivent sur le terrain et déchantent, car ils s’attendaient à ne travailler que dans leur domaine de prédilection.

Surtout s’ils souhaitent devenir technicien de fouilles, il est important de toucher à toutes les époques pour savoir se débrouiller et pouvoir rendre des dossiers complets sans devoir faire appel à un spécialiste.

Missions ?

En premier lieu, déterrer des éléments, objets, mobilier, art, ossements intéressants, les nettoyer puis les étudier. À partir de cela, l’archéologue cherche à comprendre l’utilité de ses découvertes et/ou leurs rôles ainsi que leur importance dans leur époque.

Il rédige un dossier de fouille qui récapitule l’ensemble de sa mission, de ses actes et de ses découvertes. Il passe donc une grande partie de son temps sur le chantier de fouilles, mais aussi à son bureau pour rédiger ce rapport.

Vient ensuite le temps de la publication de ses travaux. Comme tout domaine scientifique, cette étape est capitale, car elle permet le partage des données et des découvertes qui permettront de faire avancer la recherche et la connaissance. Les publications confèrent également du crédit à l’archéologue.

Quelles qualités faut-il posséder pour devenir un bon archéologue ?

Plus que tout, il faut sans cesse se remettre en question. L’archéologie est une science et au même titre que la biologie ou la physique, d’importantes découvertes peuvent être faites, qui remettront en cause tout ce qui a été trouvé jusque-là. Rien n’est donc gravé dans le marbre et il faut accepter d’avoir été dans l’erreur.

L’ouverture d’esprit ensuite. Même si chacun a toujours ses préférences, il ne faut pas se cantonner à une seule époque et il me semble important de se tenir au courant des nouveautés de son domaine professionnel. Pour l’archéologie, cela passe par la lecture de revues spécialisées, des derniers travaux publiés ou encore de participations à des colloques.

Des conseils pour ceux qui souhaiteraient entreprendre leurs études dans ce domaine ?

Être en bonne condition physique, car il s’agit d’un métier plutôt éprouvant. Savoir subir les intempéries, car un chantier ne s’arrête pas avec la pluie ou le froid. Pouvoir être mobile également, car les chantiers sont nombreux et on peut être amené à beaucoup voyager.

Enfin, il me semble important de conserver une trace de tout ce que l’on a accompli. Qu’il s’agisse de documents ou de photographies. Cela permettra à la fois d’avoir des souvenirs, mais aussi de se constituer une sorte de portfolio de son travail.

Le numérique est-il présent et nécessaire dans ton domaine professionnel ?

Il est présent et très nécessaire. Je l’ai déjà dit, il est important de conserver une trace de tout ce que l’on écrit et dans le rapport, tous les dessins et les relevés doivent être vectorisés. Sur les chantiers, le numérique existe également mais est utilisé plus ponctuellement. Nos armes, si je puis dire, sont principalement les outils de fouille à proprement parler.

Dans le cadre de la valorisation des fouilles et de la médiation, on l’utilise beaucoup, pour montrer à quoi ressemblait un monument en trois dimensions par exemple. Elle est donc également employée dans un but didactique.

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