Interview : Tom Weil de l'Académie Comment faire un film ?

Je suis Tom Weil, j’ai 43 ans et 4 enfants. Je suis passionné de cinéma depuis tout petit. J’ai passé mon bac et puis j’ai bossé tout de suite après parce que ça ne m’intéressait pas de faire des études supérieures.

Le cinéma m’intéressait plus que tout. Je n’avais pas les codes pour pouvoir rentrer, donc je me suis mis à lire des livres, à faire le tour des plateaux. De fil en aiguille, j’ai réussi à avoir au départ, un premier tournage de court métrage et ensuite un deuxième, etc. pour finir sur un plateau de série pour France 2 en tant qu’assistant-réalisateur. Je n’ai pas suivi de formation, j’ai tout appris sur le tas. J’ai fait ça pendant 17 ans et pendant ces années, il y a des jeunes et des moins jeunes qui venaient me voir en disant : « Comment tu as fait pour être sur un plateau ? Quelles études ? » Je leur ai expliqué mon parcours, comme quoi je me suis fait un peu tout seul. 

Avec les nouveaux outils et internet, je pensais qu’ils pouvaient apprendre les différents métiers du cinéma. Mais après quelques recherches, je me suis aperçu que l’information sur ces métiers n’existait pas vraiment. Je pense simplement qu’une fois que les gens y arrivent, ils gardent les informations un peu pour eux. Ils essayent déjà de s’en sortir eux-mêmes avant d’aider les autres. Pour moi, ça marchait bien donc j’ai décidé de créer un blog, qui s’appelle www.commentfaireunfilm.com. Toutes les semaines j’écrivais un article et j’expliquais différentes notions.

J’expliquais en gros ce que j’avais appris toutes ces années. Cinq ans plus tard, c’est un demi-million de visiteurs uniques par an et c’est près de 20 000 abonnés. Et il y a à peu près un an, je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc à faire. Donc j’ai fait le tour des formations qui existaient et je me suis rendu compte que c’était très cher. Soit c’est une école privée qui coûte entre sept et dix mille euros par an (sur des cursus de 3 à 5 ans) soit ce sont des écoles publiques comme la Femis ou Louis Lumière mais qui sont sur concours.

Et donc je me suis dit qu’il y a des gens comme moi des techniciens, des professionnels qui ont aussi envie de transmettre et qui n’ont pas forcément le temps de le faire. C’est là que m’est venue l’idée de créer « L’académie comment faire un film », incubée à la Plaine image. L’académie est donc une plate-forme, un espace, sur lequel des professionnels pourraient déposer leur savoir et le valoriser. C’est-à-dire être payé pour ça. Toutes les formations qui sont vendues sur la plate-forme, coûtent entre 0 et 147 euros. C’est abordable.

Les formations sont là pour apprendre une compétence, plus qu’apprendre un métier à part entière. Si aujourd’hui on devait faire une formation pour être réalisateur, ça prendrait des mois ça coûterait très cher ! Et ce n’est pas ce que ma communauté recherche. Elle cherche à être débloquée d’une situation.

Par exemple, quelqu’un a une histoire en tête, veut écrire un scénario mais ne sait pas comment on présente un scénario. Le but de la formation ce n’est pas de lui apprendre à écrire un scénario, c’est de lui apprendre à le présenter. Il va acheter une première formation qui coûte peut-être 27-30 euros qui va durer quelques heures. Peut-être qu’après cette personne a du talent, elle va pouvoir écrire son scénario de A à Z grâce à ça. Ou elle va se rendre compte qu’effectivement elle maîtrise la présentation d’un scénario. Mais elle ne connaît pas réellement la structure d’un scénario, donc elle va acheter une autre formation qui va lui expliquer comment on structure une histoire.

On lui propose vraiment ce dont elle a besoin à l’instant T, pour l’amener par la suite sur des parcours, c’est-à-dire des formations beaucoup plus complètes, qui seront des parcours de plusieurs mois mais toujours avec un coût maîtrisé.

Le premier volet de la plate-forme c’est de réussir à mieux vivre sa passion. Tout le monde ne veut pas devenir professionnel mais l’image, les histoires étant autour de nous au quotidien, je trouve normal qu’on puisse donner des clés à ces gens qui ont envie soit d’écrire, soit de faire un peu de réalisation, etc.

Mais on donne aussi la possibilité aux autodidactes d’avoir les bonnes bases pour aller voir les professionnels en disant moi je connais ça, je fais ça, etc. Et ensuite il y a des professionnels en poste, des réalisateurs, des techniciens, qui viennent aussi sur Comment faire un film, soit pour réviser, soit pour se remettre à niveau. C’est assez transverse.

D’abord, il y a mon réseau et ensuite directement sur l’académie. Un onglet est prévu « devenir mentor », pour prendre contact directement avec moi, pour qu’on puisse voir ce qu’il est possible de faire. Si c’est juste un passionné qui a appris ces deux, trois derniers mois, la régie par exemple, il ne sera pas «légitime » pour donner une formation sur le thème. En revanche, si c’est un régisseur général qui a deux, trois ans d’expérience, qui a fait des longs métrages ou des téléfilms. Là il est plus légitime pour parler de son métier.

Donc, le professionnel prend contact, on définit la formation qu’il veut faire, il l’écrit et moi je le suis pour mettre au point son plan et son objectif pédagogique. Après l’écriture, je relis parce que parfois le professionnel oublie de vulgariser son cours pour les débutants. Mon travail c’est d’avoir un regard sur ce qu’il a écrit avec un peu de recul. Sur l’académie il y a trois niveaux : débutant, intermédiaire, expert. Ce qui veut dire qu’un professionnel qui souhaite s’adresser à un public d’experts, comme lui peut très bien le faire. Et dans ce cas il peut rentrer directement dans le vif du sujet. Enfin, c’est le formateur, qui détermine le coût de sa formation, mais on l’aide aussi parce qu’un prix ce n’est jamais facile à déterminer. Mais c’est le professionnel qui détermine en gros le coût et la valeur de sa formation.

Imaginons qu’une formation ait 6 chapitres et dans chaque chapitre il y a 5 cours vidéo. En sachant qu’un cours vidéo aborde une seule et même notion. Un cours vidéo, c’est moins de dix minutes comme on s’adresse beaucoup à des millennials. On sait qu’au-delà de 6 minutes de cours vidéo, ils décrochent. Le but, c’est d’avoir une notion expliquée de manière très simple et sur une courte durée. L’apprenant ne peut pas passer de la vidéo 1 à la vidéo 12, on a balisé le parcours pédagogique. Il est obligé de passer toutes les vidéos, dans l’ordre pour obtenir à la fin la compétence et l’objectif pédagogique souhaités.

Tout au long de la progression et sous chaque vidéo, l’apprenant peut poser des questions directement au mentor qui donne la formation. S'il y a une notion qui lui paraît abstraite, il peut tout à fait poser la question et avoir la réponse directement par le mentor. Aujourd’hui un apprenant peut mentionner sur son CV une formation qu’il a suivie, il sera certifié de l’académie, mais cela n’aura qu’une valeur officieuse. Le but d’ici à trois ans c’est de pouvoir certifier grâce au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles).

Il existe d’autres plate-formes mais nous sommes la première spécialisée sur le cinéma et on ne fera jamais rien d’autre que ça. Si demain on doit aller sur d’autres champs parce qu’on a fait tous les métiers, toutes les formations, on pourra parler de bande dessinée, d’animation, de jeux vidéo mais on restera toujours sur l’art.