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Interview : Hélène Wallart Restauratrice de tableau

24 juin 2019
Être restaurateur d’œuvre d’art n’est pas un métier de tout repos, il demande de lier à la fois...
Hélène Wallart Restauratrice de tableau

Être restaurateur d’œuvre d’art n’est pas un métier de tout repos, il demande de lier à la fois passion pour l’art et patience. Hélène Wallart, restauratrice de tableaux, use de tous types de techniques sur support bois, cuivre, toile, à Armentières. Elle a accepté de nous présenter son métier et tout ce qui l’entoure.

Quel a été votre parcours ?

Mon parcours est un petit peu chaotique, j’ai mis longtemps avant d’intégrer une bonne école pour me former au métier. J’ai fait un bac artistique, j’avais déjà une attirance pour l’art, mais je ne savais pas vers quoi me tourner. Très rapidement je me suis rendu compte que je n’avais pas une créativité débordante pour envisager une formation de création artistique. C’est en regardant un reportage télévisé que j’ai découvert le métier de restaurateur et je me suis dit : c’est ce que je veux faire ! J’ai donc tenté les concours pour rentrer dans ces écoles qui sont assez sélectives. Je n’ai pas tout de suite été prise et je me suis retrouvée en histoire de l’art à la fac et aux Beaux-Arts pour préparer les concours. Au final j’ai été prise à l’ENSAV – La Cambre à Bruxelles. Dans cette école, j’ai fait un cursus en cinq ans. Une fois terminé, j’ai voulu revenir dans ma région d’origine et je me suis installée, dans la ville où je suis née, Armentières. J’ai été diplômée en 2009 et je me suis installée à mon compte en 2011. Entre temps, j’ai fait de nombreux stages car même si les études durent 5 ans, il y a beaucoup de cas à voir, encore aujourd’hui, j’ai des surprises et j’apprends tous les jours.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Je pense que j’avais des qualités qui correspondaient à celles nécessaires pour exercer ce métier : la minutie et beaucoup de patience. La création n’était pas pour moi et ce métier n’en demande aucune. On travaille dans l’ombre de l’artiste en respectant son acte créatif. On doit essayer de  comprendre l’œuvre, la replacer dans son contexte historique pour comprendre le choix de la représentation de l’artiste et en parallèle analyser les matériaux et la technique utilisés par l’artiste. Toutes les œuvres ne se ressemblent pas, elles sont d’une époque différente, d’un artiste différent, d’une région différente. Elles ont aussi une histoire matérielle très différente. Les conditions de conservation dans laquelle elle a évolué influent sur son état de conservation.

Quelles sont les difficultés du métier ?

Le manque de reconnaissance ! Aujourd’hui, les restaurateurs d’œuvre d’art ne sont pas du tout protégés. Il y a énormément de personnes qui ne sont pas du métier et qui se disent restaurateurs. Nous sommes majoritairement à notre compte, très peu de restaurateurs sont salariés.  Nous devons donc constamment consulter les appels d’offre et démarcher afin de trouver de nouveaux clients.

Quelles sont les différentes œuvres que vous restaurez et combien de temps cela prend ?

Il y a de tout ! Ça peut aller d’un primitif flamand du XVe siècle, une peinture huile sur bois, à des peintures XIXe dont la production artistique est plus dense, à des œuvres contemporaines. On doit adapter nos protocoles d’interventions à chaque œuvre qui est unique.

Le temps de restauration, dépend de ce qu’il y a à faire sur les œuvres, ça dépend du format mais également des problématiques de l’œuvre. Si la matière picturale se soulève de son support, il faudra simplement refixer la matière, quelques heures. Le plus lourd, c’est d’enlever les mauvaises restaurations. C’est pour cela qu’il est important de savoir à qui vous confiez vos œuvres. On passe souvent notre temps, à enlever de mauvaises restaurations, les mauvais choix qui ont été faits. On fait face à des matériaux qui ne sont pas stables et qui ont pu dégrader prématurément l’œuvre. Aujourd’hui, nos gestes sont dictés par la déontologie du métier qui est en place et a été définie dans les années 60. Les produits employés ont été testés en laboratoire, approuvés et validés par les centres de recherches dans notre domaine.

Quelles sont qualités et les compétences indispensables pour exercer ce métier ?

Il faut aimer l’art, tous types d’art, avoir beaucoup de patience, de minutie, être curieux et savoir se remettre en question. Et surtout être manuel, si on a deux mains gauches c’est sûr que c’est un peu compliqué.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?

Le fait qu’il n’y ait pas de routine, que chaque œuvre qui passe à l’atelier amène une réflexion. Même si on a deux œuvres du même artiste, la production peut être différente, elles peuvent avoir eu des parcours et un état de conservation totalement différents. On adapte nos traitements aux particularités de l’œuvre. C’est aussi intéressant de comprendre les raisons de son état de conservation, grâce aux histoires des propriétaires, on apprend où était l’œuvre. Par exemple dans la cave de la grand-mère, ce qui explique qu’elle est attaquée par des micro-organismes, etc.

On a un métier privilégié, on est l’une des rares professions à pouvoir braver l’interdiction de toucher les œuvres. On a accès aux revers des œuvres qui peuvent être porteurs d’informations très intéressantes et qui sont rarement montrés au public. On peut scruter la matière en profondeur, à l’aide de loupe binoculaire et ainsi admirer, être fasciné, par le soin qu’a apporté l’artiste au détail de sa composition.

Nous sommes des travailleurs de l’ombre, on fait en sorte que le patrimoine qui nous est confié soit appréciable, à sa juste valeur. On enlève tout ce qui « dérange », pour retrouver une image plus proche de l’idée première de l’artiste et assurer la pérennité de son travail.

Des conseils pour qui souhaiterait se lancer dans la profession ?

Je conseillerais aux personnes de demander des rendez-vous avec des restaurateurs, pour aller voir le métier dans l’atelier. En général, les restaurateurs ne disent pas non. Éventuellement, faire un stage ou une journée d’observation, discuter avec la personne, pour être sûr et comprendre les contraintes et les difficultés du métier comme pour toute autre profession. Et surtout, bien se renseigner sur les écoles, tout simplement.

Hélène Wallart Restauratrice de tableau