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Ils sont morts. Dix-sept personnes, dont la plupart travaillait à s'exprimer librement, à utiliser la liberté d'expression à des fins humoristiques. Ils sont morts et soudainement le rappel d'une évidence frappe à la conscience des hommes et femmes devenus, et chacun sa raison, un « Je suis... » solidaire. Un « Je suis » qui n'était pas leur « eux » d'hier. Certains sont bouleversés, d'autres meurtris, d'autres encore ont revu leurs croyances, leurs nuances, leurs envies. C'est qu'on avait fini par l'oublier, cette fameuse liberté, et les étapes qu'il a fallu franchir pour l'obtenir. Au point d'avoir construit et laisser construire de nouvelles barrières, d'autres limites, enfermement chaleureux et conscient d'un confort qui ne berce que trop peu d'idées. On se distrait pour oublier, on se télévise pour s'abrutir, ne plus penser, et on consomme pour compenser.
Le travail fut pourtant long, ardu, cerné de barreaux, barré de grilles, couvert d'obscurantismes, pour ces penseurs agglutinés à leurs idées. Ces chercheurs de liberté qui avaient jadis et au fil des siècles tant risqué pour pouvoir dire, écrire, exprimer et rire. Et toutes ces idées perdues de n'avoir pas osé, ou étouffé de n'avoir pu crier.
Ils sont morts et c'est terrible. Morts d'être libres d'avoir pensé, morts face à des êtres endoctrinés, qui n'avaient plus dans leurs esprits que l'horizon d'une camisole, qu'une seule idée que l'on isole, et l'impossible élan de s'en défaire. Enfermés dans la peur de réfléchir par eux-mêmes, juste se dire qu'il n'est pas bien de faire le mal, qu'il n'est pas mal de faire le bien. Otages de leur ignorance, pas les bonnes cibles, les mauvaises armes.
Ils sont tous morts et c'est terrible, mais offrons leur ce rêve un peu fou d'avoir ressuscité bon nombre d'entre nous, d'avoir insufflé à nouveau une conscience dans quelque « encéphalos zéro ». D'avoir redonné quelques armes, autant d'idées, remis dans les cerveaux le compteur à niveau et puis, aussi, un peu de courage à diffuser. Reste à souhaiter que tout cela permettra également de prendre un peu de hauteur, ne pas rester dans l'émotion, voir les raisons, les conditions... C'est qu'on est encore libres de s'interroger sur ce qui mène une société à cet état. Et d'avoir des idées pour s'accorder, s'autoriser de vivre ensemble et pourquoi pas d'une émulation.
G. Deprecq
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